Rosans compte un peu moins de 400 électeurs, et sur ces 400, on peut estimer qu’il y en a à peine 10 qui ont le profil idéal pour être élu. Ceci ne veut pas dire que les autres n’ont pas les capacités requises pour être de bons conseillers municipaux, mais ils ont un certain nombre de handicaps. Et les rosanais ne sont pas faciles à manipuler. La liste du maire sortant est, en général, et s’il n’a pas trop mal géré la commune, la mieux placée pour emporter un certain nombre de siéges. C’est une constante pour la France entière.
Certains candidats heurtent par certains cotés, pas forcement négatifs, les sentiments des électeurs, surtout ceux qui ne font pas l’unanimité, et ne sont pas populaires. Les opposants déclarés au maire sortant, qui se présentent seuls, ou à quelques uns, n’ont aucune chance, jamais aucun d’eux n’a été élu, à une exception prés.
De plus en plus de nouveaux venus à Rosans, même ceux qui n’y viennent qu’en vacances, se font inscrire sur les listes électorales. Ils sont souvent candidats aux élections, le plus souvent dans une liste d’opposition. Comme ils ne sont pas suffisamment connus de l’ensemble de la population indigène du village, ils n’ont aucune chance. Toutefois s’ils sont inscrits sur la liste du maire sortant, ils peuvent avoir leur chance, surtout s’il n’y a pas trop de concurrence, c'est-à-dire pas trop de listes en présence.
D’autres, trop ambitieux, arrivent, comme en pays conquis, et font tout pour heurter les susceptibilités locales. Ils n’ont aucune chance de renverser l’ordre établi.
Dans les années 1930, le cas s’est présenté par deux fois, deux listes faites par deux candidats au titre de maire. Une troisième liste se constituait, simplement pour peser sur le résultat. Le maire sortant, même quand c’était Bonfils, maire depuis des années, et le nouveau candidat obtinrent un certain nombre d’élus, mais pas suffisamment pour l’emporter. Et c’est la troisième liste, qui ne réussit jamais à faire élire plus de deux personnes, qui élimina le maire sortant, favorisant le challenger. C’est ainsi que Septime Souvoux, l’un des deux, devint, ainsi, pendant de très nombreuses années, le principal adjoint Le second était mon père. Tous deux, avaient un bon profil, beaucoup de bon sens, bien accrochés au village.
La première élection de l’après guerre avait vu la victoire du Docteur Chaix, qui était arrivé, à Rosans, en 1941 ou 1942. Le précèdent maire Louis Truphemus, ne s’était pas représenté, considéré à tort comme « collaborateur » alors qu’il avait œuvré efficacement, pendant toute la guerre, sans faire de mal à personne. Il n’y avait pas de municipalité sortante.
Le Docteur Chaix s’était ensuite présenté comme conseiller général, mais il fut battu par Raymond Hugues, qui, si mes souvenirs sont exacts, ne s’était présenté qu’au second tour. Enfant du pays, petit fils d’un ancien conseiller d’arrondissement, il avait pendant la guerre, avec sa boulangerie, le moulin, la scierie, rendu d’immenses services au village. Son élection fut un succès, et quelques années après, se présentant aux municipales, il fut facilement élu comme maire.
Il sut manœuvrer avec intelligence, prenant dans son conseil municipal un échantillon complet de la population : métiers, quartiers, hommes et femmes. Il rencontra souvent, une certaine opposition, en particulier, mais pas seulement, du Docteur Santelli père, qui se présenta contre lui, sans succès. D’autres opposants en éditant, régulièrement, une feuille de contestation, espéraient s’imposer, mais, mal informés, ils racontaient souvent n’importe quoi. Je les ai pris plusieurs fois en défaut.
Raymond Hugues prit ensuite le Docteur Santelli sur sa liste pour supprimer cette concurrence. En fait le Docteur voulait simplement empêcher la création d’une pharmacie, ce qu’il obtint sans trop de peine. Au moins une fois, Raymond Hugues ne rencontra aucune liste contre lui. Il prenait souvent sur sa liste un nouveau venu au village, qu’il croyait utile au pays. Certains d’entre eux, forts de cette recommandation, et d’une qualification ronflante, mais souvent fausse, étaient élus facilement. Forts de cette réussite ils passaient ensuite à l’opposition, et se retrouvaient la fois suivante battus à plate couture.
Jack Moulet, qui était pourtant parent avec la moitié du village, avait pour ambition de se faire élire comme maire. Il jouait, dans ce but, constamment aux boules sur la place, mais sa liste n’obtint que 2 élus. Sa présence au conseil municipal ne marqua pas la vie du village, car son opposition était stérile.
Quant aux élections cantonales, c'est-à-dire pour élire le conseiller général, c’est encore plus simple. Il faut impérativement être de Rosans pour être élu. Tous les candidats de saint André, et de la vallée de l’Oule n’ont jamais réussis à faire un score suffisant.
Etre de Rosans n’est pas une condition suffisante. En effet de nombreux Rosanais ont aussi tenté leur chance, qu’ils soient cultivateurs ou travaillant hors de Rosans, mais la plus part n’ont pas réussi à faire beaucoup de voix.
Pour arriver à battre Raymond Hugues il aurait fallu présenter un profil exceptionnel. Quand il a renoncé à se représenter, il avait choisi Nicolas Rosin pour lui succéder, mais ce dernier n’était pas assez connu, et il habitait Saint André. Frédéric Pinet, qui avait un nom très connu, et une famille depuis longtemps à Rosans, le battit sans peine. Quand il fut plus connu il obtint un meilleur score, fit jeu égal, et fut élu au profit de l’âge.
Les élections de 2011 ont présenté des conditions très exceptionnelles, car il n'y avait que quatre candidats, un de droite, et trois de gauche. Le candidat de droite, bien que de la vallée de l'Oule, rencontra la chance de sa vie, élu au premier tour. Nicolas Rosin, conseiller sortant, termina en deuxième position, victime des problèmes de l'Institut Medico-pedagogique.